dimanche 28 août 2011

Vraiment privilégiés?

À l'heure où New York se trouve menacé par les vents et les inondations, je peux vous signaler un roman qui se déroule au sein d'une famille new-yorkaise très privilégiée:

'The Privileges' de Jonathan Dee (2010 - 344 pages)
Niveau minimum requis: B2, voire C1
(pour déterminer votre niveau de lecture, reportez-vous aux pages de juin 09 de ce blog)

C'est un livre qui a eu un vrai succès aux Etats-Unis, au Royaume Uni et aussi en France. Le Nouvel Observateur en a fait un article de 2 pages, disant que c'était "le 'Bûcher des Vanités'* du XXIème siècle".

Il s'agit en effet de l'histoire d'une famille ultra-riche en cohérence totale avec le monde dans lequel ses membres évoluent. Mais, pour moi, la comparaison s'arrête là.
L'intrigue du roman de Tom Wolfe est beaucoup plus fouillée, beaucoup plus recherchée.
J'ai trouvé que 'The Privileges' est empreint d'un cynisme assez insupportable : tout réussit aux deux 'héros' (un homme et une femme, mariés, deux enfants) qui sont devenus très riches grâce à la finance et à des pratiques parfaitement illégales, faisant écho évidemment aux scandales financiers divers qui ont fait la une ces dernières années. Ils semblent n'avoir aucune morale à ce propos, aucun remords.
Or l'auteur choisit de faire d'eux un couple solide et fidèle, s'épaulant dans l'adversité avec une confiance sans limite. Ils finissent par devenir mécènes auprès de multiples œuvres caritatives.
C'est agaçant de ne pas être amené(e) à détester de tels protagonistes!

Il reste le style de l'auteur: c'est très très bien écrit.
Le premier chapitre est même 'un tour de force' selon Jay McInerney, un de mes auteurs préférés.

*'The Bonfire of the Vanities' de Tom Wolfe (1987) décrit la descente aux enfers d'un avocat brillant accusé de meurtre à motif raciste. Un film en a été tiré, mais Hollywood étant Hollywood, la fin a été changée et le film se termine bien. Ce qui n'est pas du tout le cas du livre.
Certains ont parlé d'un scénario comparable au 'Bûcher des Vanités' quand l'affaire DSK a explosé.

jeudi 25 août 2011

What Generation Gap?

La BBC diffuse une émission sur les livres et leurs auteurs que je recommande régulièrement dans ce blog. Un podcast que j'ai écouté hier m'a appris qu'un nouveau créneau pour les éditeurs était 'Young Adult Fiction'. Soit. Mais savez-vous quel âge est concerné? Réponse: les 12-16 ans. On est un jeune adulte dès 12 ans... Donc, mis à part les vrais 'Children' (0-11 ans 3/4) nous sommes tous jeunes (ou tous vieux!)... Exit le 'Generation Gap'!

Voilà pourquoi j'ai lu cette semaine un livre qui entre dans cette niche:

'The Lion, the Witch and the Wardrobe' de C.S. Lewis (1950 -203 pages)
Niveau minimum requis: B1 (dialogues faciles) et B2 (longues descriptions).
(pour déterminer votre niveau de lecture, reportez-vous aux pages de juin 09 de ce blog)

Il est probable que beaucoup d'entre vous connaissent l'adaptation pour le cinéma sortie en 2005. J'avoue très franchement que j'ai refusé de voir ce film à l'époque, tant le battage médiatique m'horripilait. L'histoire m'apparaissait stupide et d'une platitude consternante.

Comme il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis(!), je reviens sur cette opinion hâtive (peut-être classique chez les enseignants qui se méfient de tout ce qui a (trop) de succès?), et ce grâce à:
- ma classe de 2nde de l'an passé avec laquelle nous avons étudié la vie des petits Londoniens pendant le Blitz. La classe m'a appris que 'The Lion, the Witch and the Wardrobe' commençait justement par un bombardement et l'évacuation des enfants à la campagne. 'Mais, Madame, vous ne connaissez pas le Monde de Narnia???' (air exaspéré des élèves en question;-)
- une amie anglaise qui m'a expliqué que (presque) tous les enfants anglophones ont eu ces livres en cadeau à Noël depuis ... les années 1950, date de la parution de cette première aventure. Ensuite j'ai découvert que l'auteur était un ami de J.R.R. Tolkien, donc, total respect:-).

'The Lion, the Witch and the Wardrobe' se lit assez facilement; les nombreux dialogues peuvent être compris par un jeune lecteur au niveau B1. En revanche, la description du pays imaginaire de Narnia s'avère difficile, sauf si on connaît déjà le film!

J'ai beaucoup pensé à 'Alice in Wonderland' et à 'Harry Potter' en le lisant, même si on reste dans une histoire plus conventionnelle, plus attendue.

À noter, comme je l'ai déjà signalé sur ce blog, les éditeurs publient deux types de couverture pour ce type de fiction: une pour les enfants (colorée, illustrée) et une pour les adultes (neutre, de façon à ce que personne ne voit que le fifty-something businessman lit des romans où les lions parlent comme vous et moi et les castors préparent en famille un thé délicieux!).

Cliquez sur le titre de ce message pour accéder à la page de l'émission de la BBC.


dimanche 21 août 2011

Le mal par le mal...

C'est la canicule en France; 40° à l'ombre dans le Sud-Ouest. Que faire?
Soigner le mal par le mal en découvrant ce roman qui se passe en Afrique du Sud, dans une petite ville où la chaleur étouffante paralyse tout et où la terre n'est que poussière rouge:

'Red Dust' de Gillian Slovo (2000 - 338 pages)
Niveau minimum requis: B2 (mais la lecture est facilitée par des chapitres courts)
(pour déterminer votre niveau de lecture, reportez-vous aux pages de juin 09 de ce blog)

Superbe roman sur la période post-apartheid, dans le cadre des travaux de la 'Truth and Reconciliation Commission', invention sud-africaine permettant aux victimes du régime fraîchement aboli de dire leur douleur, de réclamer la vérité sur toutes les horreurs engendrées par 'The System' et à leurs bourreaux d'obtenir l'amnistie en avouant leurs crimes.
Présidé par l'archevêque Desmond Tutu, ce défouloir aux règles très précises a probablement permis à ce pays déchiré par la haine intercommunautaire, les exactions les plus indicibles, les crimes les plus abominables (défendus par la loi d'alors) de ne pas sombrer dans la guerre civile (même si la violence est encore un fléau majeur).

Gillian Slovo maîtrise parfaitement son sujet; ses parents ont été parmi les premiers Sud-Africains blancs à combattre 'The System' aux côtés de Nelson Mandela dans les années 1950 (Joe Slovo, son père, a siégé dans le premier gouvernement démocratiquement élu, toujours aux côtés de Nelson Mandela en 1994).
La famille Slovo avait été obligée de s'exiler en 1964, et presque vingt ans plus tard, la mère de Gillian Slovo a été assassinée par un colis piégé sur ordre d'un des chefs de la sécurité du pays, tristement célèbre pour toute une série de kidnappings, meurtres, etc.

Le livre est très bien écrit; les chapitres sont courts et l'intrigue s'appuie beaucoup sur les échanges entre victimes et accusés lors des séances de la Commission.

Un autre intérêt est que malgré le passé douloureux de l'auteure et les actes de torture ou d'homicide au cœur de l'intrigue, chaque personnage a une part d'ombre et de lumière, même les policiers les plus appliqués à 'bien faire leur travail' à l'époque de leur toute-puissance. Il n'y a pas de 'goodies & baddies'. Rien de réducteur, bien au contraire.

Avant ou après la lecture de ce livre, je vous conseille d'écouter Gillian Slovo invitée à une émission de la BBC pour parler de ce livre. C'est assez facile à suivre, pour qui connaît un peu l'histoire de ce fascinant pays.
Cliquez sur le titre du message pour accéder au podcast.

NB: si l'Afrique du Sud vous intéresse, voyez les messages suivants:
mars et avril 2010: 'Afrique du Sud'
juin 2009: 'Lire une autobiographie'

lundi 15 août 2011

Sous le pavé, la plage?

Déjà le 15 août! Ce drôle d'été 2011 passe décidément à toute allure. Dès le 14 juillet, certains supermarchés avaient même installé le dreadful rayon 'Rentrée'...

Or, il reste two full weeks avant la date fatidique - qui constitue pour beaucoup d'entre nous le véritable début d'année, détrônant le Jour de l'An ;-).

Aussi je vous propose la lecture d'un pavé (près de 700 pages!) qui se lit assez facilement:

'The Distant Hours' de Kate Morton (2010 - 670 pages)
Niveau minimum requis: B2 (attention, c'est long!)
(pour déterminer votre niveau de lecture, reportez-vous aux pages de juin 09 de ce blog)

Que dire?
Ma liste des points positifs:
- comme dans Rebecca (cf mon message du 14 janvier 2011 'Thriller night') le personnage principal est une demeure aristocratique anglaise. Ici il s'agit d'un château très ancien situé dans le Kent, jardin de l'Angleterre. Beaucoup de personnages ont trouvé la mort dans ses murs, souvent de façon violente et suspecte. Il est aussi la source d'un conte plutôt gothique, écrit par le dernier héritier mâle de la lignée qui le possède depuis la nuit des temps...
- deux autres intrigues se mêlent à celle du château: la vie un peu insipide de la narratrice qui travaille dans l'édition à Londres dans les années 1990 et l'histoire de sa mère, liée au château pendant la Seconde Guerre Mondiale et à ses trois dernières habitantes, vieilles filles aux soixante-dix printemps bien sonnés.
Tous les personnages ont, of course, tant de secrets à cacher.
Il y a là matière à suspense...

However... J'émettrai les réserves suivantes:
Si vous êtes amateur/trice de sensations fortes, vous risquez d'être un peu déçu(e). L'atmosphère se veut gothique, mais à mon avis, ça marche surtout pour les moins de 7 ans ;-).

Besides, Kate Morton, jeune auteure récompensée pour ses trois romans dont celui-ci, est australienne (nobody's perfect!). L'effet collatéral est que l'Angleterre qu'elle décrit est très fantasmée: c'est 'Merry Old England', la très jolie campagne anglaise avec ses aristocrates très excentriques et leurs châteaux très anciens (celui de l'histoire est censé avoir été construit avant l'invasion normande... Hello? Avant 1066?).

All the same, c'est un roman divertissant, dont le ressort reste plausible tout le long et qui ménage quelques bonnes surprises.
Le récit vaut surtout la peine d'être lu (= is worth reading) pour l'ingéniosité du croisement des intrigues et la complexité des rapports filiaux.