samedi 13 mars 2010

Devoir de mémoire

'Sister Sister' par Anna Rosner Blay (264 pages, 1998)
Niveau minimum requis: B1
(pour déterminer votre niveau de lecture, reportez-vous aux pages de juin 09 de ce blog)

Au moment où le film 'La Rafle' sort dans les salles de cinéma, je ne peux pas ne pas vous signaler ce livre, 'Sister Sister', écrit en anglais par une auteure née en France en 1947 et partie pour l'Australie à l'âge de 2 ans.

Ce sera sûrement le seul livre dont je parlerai sur ce blog avec autant d'émotion.

Il se trouve que l'auteure, Anna, est devenue une amie.
Je l'ai rencontrée à Melbourne en 2002, lors d'un échange scolaire entre mon lycée et celui où elle enseignait le français. A ce moment-là, je lisais l'autobiographie de Roberta Sykes, une Aborigène qui a fait ses études à Harvard après avoir subi les pires outrages dans son pays. Dans la salle des professeurs de ce lycée, la conversation tournait autour de la littérature; nous disions que la plupart des autobiographies relatent des faits qu'un auteur de fiction n'oserait jamais inventer, tant les faits paraissent littéralement incroyables. Anna était un peu plus loin, seule, perdue dans ses pensées et quelqu'un m'a murmuré: 'Tu vois Anna, là-bas? Elle est née à Paris après la guerre. Elle vient d'une famille de Juifs polonais dont certains ont survécu au ghetto de Cracovie, puis aux camps de concentration parce qu'ils étaient sur la liste de Schindler.'

J'ai fait la connaissance d'Anna quelques jours plus tard; elle m'a offert son livre et je m'y suis plongée avec un mélange d'impatience et d'effroi.

Lire 'Sister Sister' n'est pas une expérience de lecture ordinaire.
Les deux sœurs du titre sont Hela, sa mère et Janka, sa tante. Le livre est construit sur le tissage de leurs témoignages recueillis et mis en forme par Anna après des années de non-dits et de silences sur leur vie avant, pendant et après cette tragédie. Leurs récits, d'une puissance émotionnelle intense, se démarquent des autres récits de survivants parce qu'ils sont ponctués de passages de prose poétique qui révèlent le lien entre les rêves et les cauchemars d'Anna et le traumatisme subi par sa famille. Ses premiers souvenirs d'enfance (à Paris), ses angoisses une fois adulte (elle a une peur panique du dentiste), ses peurs et ses souffrances prennent tout leur sens à la lumière de ce que ses parents ont vécu et, comme la plupart des survivants, choisi de taire pendant des dizaines d'années.

Le niveau de langue est vraiment accessible, l'anglais n'étant pas la langue maternelle de Hela et Janka. Les passages écrits par Anna sont plus élaborés* mais c'est surtout ce qui est relaté qui peut être, on s'en doute, totalement insoutenable.
Or, il y a tellement d'amour dans ce livre qu'on ne peut le poser avant de l'avoir terminé.
*Anna est aussi publiée pour sa poésie et d'autres écrits, cliquez sur le titre de ce message pour aller voir son site officiel.

Anna a perdu son père l'an passé; sa mère vit toujours à Melbourne, loin, très loin de son pays natal. Anna vient de ce côté-ci de la planète tous les 4 ou 5 ans, me faisant l'immense plaisir de se poser chez moi une petite semaine avant de continuer son chemin ailleurs en Europe.
I love her so much.

NB: Aujourd'hui (le 10/10/10) Helen (Hela) Rosner s'est éteinte, entourée de ceux qui l'aimaient, à Melbourne.

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